1 Jean 2.15
N’aimez pas le monde ni ce qui est dans le monde.
Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui.
Partager l’amour du Père
Ce verset m’a renvoyé au très connu Jean 3.16 Car Dieu a tant aimé le monde…
Pour Jean, donc, si « Dieu a tant aimé le monde« , l’humain, lui, doit s’en abstenir? J’ai commencé à me demander si Jean ne souffrait pas de schizophrénie. Et un coup d’œil dans le texte grec ne me rassurait pas puisque le terme pour « monde » est le même dans les deux cas (cosmos, désignant le monde l’univers) tout autant que le verbe (agapao, aimer au sens le plus ‘haut’ du terme).
Comment trouver un modèle en Dieu alors que celui-ci se complaît dans ce que je dois fuir moi-même. Bref, je me retrouvais dans la situation du « faites ce que je dis et pas ce que je fais »…
En y prêtant plus attention, la phrase offre pourtant une nuance subtile, une porte dérobée peut-être… Le sujet n’est pas le même: Dieu d’un côté, l’humain de l’autre. Comme si l’amour était une prérogative divine…
Un peu plus loin dans la même épître, l’apôtre déclare: l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. (4.7)
Qu’est-ce que l’amour, au fond? un objet à acquérir? Une possession que Dieu me donne? Dieu est amour. L’amour est de Dieu. Ce n’est pas un état psychique que je possède ou une richesse à acquérir. C’est Dieu lui-même. Si Dieu est lui-même cet amour, alors ce n’est pas un objet.
Qu’est-ce que l’amour? Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu.
L’amour n’est pas non plus mon aspiration à ceci ou cela ou mon attachement. L’amour ce n’est pas toutes ces beautés au travers desquelles je le vis. L’Amour c’est quand je peux enfin interagir avec liberté avec celui-ci ou cela dans ma vie. C’est pour ça que l’amour peut aussi se vivre dans la souffrance et le déchirement. L’amour est une action: aimer. L’amour c’est ce qui se passe, ce qui est dans l’air, dans le partage, l’échange, la relation.
Alors si Dieu est amour, cela veut dire qu’il ne se résume plus pour moi à une chose, un objet spirituel en face de moi que je désire conquérir, une entité supérieur que j’essaie d’imaginer. Dieu est lui-même une relation: la Trinité. Dieu, c’est l’amour qui lie le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
En Christ, l’humanité est conviée à cet amour.
En ce sens, Dieu se manifeste dans le quotidien de ma vie. Il vit une relation avec moi dans les toutes petites choses de ma vie comme dans les grandes, dans la joie comme dans la détresse (vous savez, là où l’amour brille par son absence, dans toute sa contradiction). Il remplit ma vie de son amour, c’est-à-dire de sa présence, de partage, de liberté et d’interaction.
Qu’est-ce qui fait de l’humain ce qu’il est, ce qui le construit? C’est cette interaction qu’il vit avec tout ce qui l’entoure.
Qu’est-ce qui le bloque et l’empêche d’avancer? C’est quand il piège son cœur et son désir dans un objet, fut-il l’image qu’il se fait de Dieu ou même son amour, qu’il en oublie d’aimer, tout simplement… Il oublie qu’il est fait pour le mouvement, pour la communion, car l’humanité est en Christ parfaite, accomplie. L’humain est fait à son image.
Reconnaître que Jésus est le Fils de Dieu (4.15) c’est accepter que Dieu n’est pas un être supérieur très loin là-haut sur une montagne au dessus des nuages, mais qu’il est proche, qu’il est accessible, que l’humanité est bienvenue en lui, qu’elle est partie intégrante de sa communion, de ce qu’il est lui-même, c’est reconnaître que l’humain est compatible avec l’amour de Dieu, accepter qu’il peut y participer.
Nous sommes sensible à l’amour car nous sommes humains. Nous sommes sensibles à l’amour car nous sommes sensibles à Dieu. Aimer c’est réaliser qu’on participe à Dieu.
Alors ne pensez pas aimer le monde comme quelque chose qui vient de vous, comme une sorte d’aptitude. Ne passez pas à côté de ce que signifie aimer dans la révélation de Dieu en Jésus-Christ: L’amour est de Dieu et celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. Aimer c’est découvrir comment Dieu aime le monde : il échange avec lui il échange avec l’humanité (c’est Christ!). Aimer c’est découvrir la communion à Dieu, de Dieu, c’est découvrir, en Christ, que nous sommes humains, de la famille de Dieu. Ne ratons pas l’amour véritable!